C’est l’aventure vécue par Camila Barbosa, une élève brésilienne de 20 ans. Elle aurait dû faire sa rentrée en 1ère Gestion Administration au lycée Santos Dumont à Saint-Cloud dans les Hauts-de-Seine (92). Arrivée en France il y a quatre ans, elle vit à Rueil-Malmaison (92) avec sa mère et son frère aîné, eux aussi brésiliens et sans papiers. Mais ses deux jeunes demi-frères et son beau-père sont portugais et donc en situation régulière. Camila a été arrêtée lundi 1er Septembre 2014 aux alentours de 1h du matin, près de Perpignan, avec son frère Luciano, 21 ans, lors d’un contrôle routier du bus à bord duquel ils revenaient de vacances. Ils ont été transférés au Centre de Rétention Administrative de Cornebarrieu à Toulouse. Le 5 septembre, le Tribunal Administratif confirmait leur Obligation de quitter le territoire (OQTF) et le lendemain le JLD (Juge des libertés et de la détention) décidait de les maintenir en rétention. Plus rien ne s’opposait à leur expulsion prévue le mardi 9 septembre. Les billets d’avion Toulouse-Roissy et Roissy-Rio avaient été pris pour eux et leur « escorte ».
Le ministère de l’Intérieur oppose un silence méprisant aux arguments qui militent en faveur de Camila : son jeune âge, le fait que sa famille est en France, sa scolarisation et la bonne opinion de ses enseignants, le fait qu’elle entre dans les critères de régularisation de la circulaire Valls de novembre 2012. Rien n’y fait, le ministre et les membres du cabinet chargés des basses œuvres restent intraitables.
Pourtant, les choses ne vont pas se passer comme prévu : les syndicats enseignants protestent, la FCPE du département intervient, les syndicats lycéens UNL et FIDL se mobilisent.
Un tract exposant la situation de Camila et de son frère est préparé qui rappelle au président de la République et au gouvernement des vérités élémentaires : « De la part d’un gouvernement qui se dit humaniste, expulser une lycéenne présente en France depuis 5 ans est indigne et nous force à l’interpeller une fois de plus pour cesser toutes expulsions d’élèves scolarisés. Elle est la victime d’une politique inhumaine, pilotée par des intérêts électoralistes.
Malgré les nombreuses interpellations et le mouvement de protestation d’ampleur de l’an dernier, les responsables au sein du gouvernement persistent à détruire toutes perspectives d’avenir pour des centaines de lycéennes et lycéens comme Camila, au seul argument qu’on refuse de leur octroyer un bout de papier ! Cette privation du droit à une existence décente, l’obsession de l’interpellation, la peur d’une expulsion pratiquée dans des conditions souvent honteuses, l’angoisse d’un avenir bouché par la privation du droit à l’Education et à la poursuite des études supérieures, de travailler, d’avoir un logement, de bénéficier de la Sécurité Sociale, etc. Bref, d’être condamnés au dénuement et à des conditions de vie honteuses.
Nous réaffirmons le principe qu’il n'y a pas besoin d’une carte d'identité pour aller à l'Ecole! Aucun élève ne doit voir sa scolarité interrompue sous prétexte qu'il n'aurait pas vocation à s'intégrer en France... L'Ecole de la République est celle de l'Egalité, de l'intégration, du vivre ensemble, et elle a le devoir de scolariser tous les enfants sur le territoire.
Depuis le début du quinquennat, la politique répressive du gouvernement plonge les lycéennes et lycéens sans-papiers dans la terreur. Cette politique refuse en effet à des jeunes, qui ont bien souvent leurs espoirs, leur famille, leurs attaches en France, le Droit immuable à l’Education. Ce droit leur est pourtant dû au même titre qu’à toutes les lycéennes et tous les lycéens de ce pays. »
Un rassemblement est prévu lundi 8 à midi devant le lycée Santos Dumont. A n’en pas douter, l’épisode Léonarda et les manifestations lycéennes en faveur de Katchik expulsé en Arménie en octobre dernier reviennent en mémoire des ministres… Alors que le juge des libertés confirmait le maintien en rétention de Camila et Luciano à 16h30… le ministère de l’Intérieur les faisait libérer à 21h30… Comme quoi, le pseudo « respect des décisions de justice » derrière lequel les ministres de l’Intérieur se réfugient pour couvrir leurs actes odieux pèse peu quand il y a le feu au lac…
Camila et son frère se sont donc retrouvés dehors, avec leurs bagages à 22 heures, à 20 km de Toulouse. C’est qu’à la PAF, on a beaucoup de classe ! Heureusement que des membres de RESF 31, prévenus à 10 heures du soir, ont sauté dans leur voiture pour récupérer et héberger les jeunes.
La preuve est ainsi faite que ce gouvernement, hélas comme beaucoup d’autres, ne comprend que le rapport de forces. Une leçon qui mérite d’être entendue pour sauver la mise des autres lycéens et des familles menacées parce que sans papiers et victimes d’un chef de l’Etat – et de son gouvernement - qui a enfilé les bottes de la droite et oublié pourquoi il avait été élu et de quelle histoire politique il est issu.
Ainsi, à Chantilly (Oise), deux lycéens, frère et sœur, Greta et Haikaz Manukyan, ont passé une partie du mois d’août en rétention avec leurs parents et leur tout jeune frère de quelques mois. Ils ont été libérés par le Juge des libertés et de la détention mais le préfet de l’Oise (un préfet de gauche !!!!!, Si ! Si !!!! mais, semble-t-il, amateur de chasse à l'enfant de demandeurs d'asile. L'espoir de toucher la prime annuelle de 60 000 € attribuée aux préfets "méritants" ?) les a chassés de leur logement en CADA (Centre d’accueil pour demandeurs d’asile) et menace de les arrêter à nouveau.
Un rassemblement devant le lycée de la Forêt à Chantilly est prévu jeudi 11 septembre. Il doit être un succès et une étape dans le combat du milieu scolaire et des jeunes pour une société ou les questions de nationalité et d’origine ne soient pas utilisées par des politiciens sans scrupules au détriment des droits humains. Valls disait récemment comprendre que son gouvernement provoque le dégoût. Sur ce point, il a bien raison.
Richard Moyon