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19 septembre 2010 7 19 /09 /septembre /2010 13:40

La lettre d'information des jeûneurs 

4ème jour de jeûne contre le projet de loi immigration (11.09.10)


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Bonjour

Fin du quatrième jour de notre jeûne. Le dragon, les petits verres d’eau, la situation n’a guère évoluée depuis hier. Les forces en présence sont toujours les mêmes. Et çà y est ! Les jeûneurs sont des experts en montage/démontage de tente de camping options sol bitumeux + utilisation du mobilier urbain pour tendre les toiles.

Patrick Peugeot, président de la Cimade, nous a remis aujourd’hui une lettre collective de soutien signée par l’ensemble des membres du conseil de la Cimade. Merci à vous. 

Une partie du groupe est allé à la fête de l’Humanité participer au débat annoncé dans la chronique d’hier. Bons retours de ce passage à la fête de l’Huma où on nous a offert des gobelets rouges pour boire notre eau quotidienne…

L’association « Droit Devant » nous a rendu visite avec une vingtaine de personnes sans-papiers issues de 7 nationalités différentes, en majorité des femmes venant la plupart du Maghreb et d’Afrique noire. Elles ont témoigné individuellement de leur situation, de leur parcours, de leur exploitation dans le milieu professionnel du fait de leur précarité. La plupart travaillent en France depuis 5 à 12 ans et certaines ont honte de ne pas avoir encore de papiers dans un pays qui fait pourtant tout son possible pour… ne pas leur en donner. Elles sont très touchées par notre action et nous avons aussi été très émus de leur visite. On a eu des échos de leurs talents de cuisinières, notamment quand elles soutenaient les sans-papiers installés sur les marches de l’Opéra Bastille et certains d’entre nous vont peut-être rêver cette nuit des bons plats qu’elles pourraient nous préparer un jour.

Quelques personnes d’associations (RESF, LDH, Réseau Chrétien Migrants, Partenia, Cimade, Faucheurs Volontaires) venues nous soutenir nous ont lu en fin de journée des textes, notamment un très beau texte d’Eve Chrétien qui est intervenue 5 ans dans les centres de rétention. Ces textes seront intégrés dans un livre collectif à paraître en Octobre chez Actes Sud « Chroniques de rétention ». Le genre de texte qui nous motive à 200 % dans notre action. Eve participe d’ailleurs quelques jours au jeûne, en solidarité avec notre action, comme plusieurs autres de nos visiteurs depuis mercredi.

Nous commençons à avoir des retours quelque peu négatifs sur notre action. Tant mieux ! Car çà nous permet d’approfondir le sujet entre nous et avec vous.
« Nous n’aurions pas un discours assez radical à vouloir pratiquer la main tendue avec ceux dont nous combattons les textes et les méthodes, nous nous mettons en danger physiquement, notre démarche est trop imprégnée de spiritualité, etc. etc. » 

A ceux qui nous soutiennent comme à ceux qui nous désapprouvent, nous voulons très simplement dire que nous sommes bien campés, les pieds sur terre, et que nous cherchons comme d’autres des formes de résistance juste adaptées aux problématiques actuelles. Nous nous mettons à l’épreuve certes mais avec vigilance et respect pour nous-mêmes. 

Certains d’entre nous sont portés par la Foi, d’autres pas mais nous ne sommes pas obnubilés par l’inspiration religieuse, lors de ces journées passées ensemble. Parmi nous, Alain et Jean Baptiste ont développé depuis de nombreuses années le dialogue interreligieux et avec le monde athée. Les échos d’islamophobie répercutés par les medias aux Etats Unis et en France ne sont pas rassurants.

Chacun sait qu’une partie du milieu associatif engagé français suspecte systématiquement toute initiative venant de personnes engagées dans une voie religieuse. Nous ne changerons pas pendant ces quelques jours cet état de fait. Nous voudrions peut-être juste rappeler par une image historique que la chute du Mur de Berlin a commencé en partie dans les églises d’ex-Allemagne de l’Est. Gandhi, Martin Luther King, Aung San Su Ki et bien d’autres non violents sont des personnes qui se reconnaissent dans leur dimension spirituelle. Un de nos espoirs est aussi que des personnes agnostiques ou attachés aux principes d’éthique, notamment à celui du respect de la dignité de leurs opposants, comprennent notre démarche.     

Il nous semble que l’un des enjeux posés par le traitement des sans-papiers en France est la capacité de chaque citoyen français « non inquiété vis-à-vis de sa situation administrative» à comprendre peu à peu comment et pourquoi ce qui est infligé à certaines populations de « moindre droit » nous concerne tous. Nous ne pouvons pas nous déresponsabiliser entre 2 bulletins de vote de ce qui est préparé, voté puis mis à exécution entre notre nom. Ce travail intérieur de ré-responsabilisation parlera probablement aux éléments de la société civile en lutte actuellement dans divers domaines de la vie publique de ce pays. Nous jeûnons en plein durant les débats sur les retraites…

Pour finir et creuser notre réflexion collective, voici un extrait du livre d’Alain Richard « Une vie dans le refus de la violence » paru cette année chez Albin Michel.

« Je ne considère pas le jeûne comme un remède miracle ou une panacée, ni les cercles de silence, ni quelque forme d’action d’ailleurs. Pour progresser un peu dans la non-violence, il ne faut pas se confier à des panacées, mais il importe chaque fois de reprendre le raisonnement, de regarder quelle est l’injustice qui nous préoccupe, quel est l’état de l’opinion publique, et de choisir la bonne manière d’agir (…) La non-violence a besoin de notre propre transformation pour extirper tout ce qui, en nous, est prétention à savoir. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas avoir de convictions, mais conduit le militant à s’effacer lui-même devant la question qui se pose. Pour cela, il est indispensable d’arracher une partie de notre ego, afin que nous puissions être souples pour écouter les autres, y compris nos opposants. Et pour écouter surtout notre conscience – ou Dieu si nous avons foi en Lui. Oui il y a une sorte de défi paradoxal à s’exposer dans toute sa fragilité, face à cette force qui peut paraître démoniaque par instants, ce concentré de violences et d’injustices qui va requérir de la patience pour être transformé. »
  
Merci pour votre lecture.

Jean Pierre, pour le collectif des jeûneurs.

 

> Vous pouvez également télécharger la lettre que nous avons adressée aux députés membres de la commission des lois et à ceux de la commission des Affaires Sociales.

> Vous pouvez écouter un reportage audio réalisés par Resf et disponible sur leur site internet (merci à Yves Hazemann)

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